Derviche ou Soufi

Dr Nurbakhsh

Avant l’arrivée de l’Islam, les soufis, dont le pays d’origine est l’Iran, étaient appelés "derviches" (pauvres). Le premier centre "derviche" était situé dans le nord du grand Khorasan. Les derviches étaient des êtres détachés des biens matériels et amoureux de la vérité absolue (Haqq) et de la réalité (Haqiqat). Leurs maîtres enseignaient à ceux qui en avaient les capacités les Principes de l’Unité de l’Etre et les coutumes de la chevalerie (Javanmardi).
Après l’apparition de l’Islam, ces derviches de nature nomade, voyagèrent en Irak et en Arabie saoudite. Durant leurs voyages, pour se protéger du froid, de la chaleur et des tempêtes de sable du désert, ils se couvraient d’un manteau de laine. Lorsqu’il faisait froid la laine du manteau était tourné vers l’intérieur pour se réchauffer et lorsqu’il faisait chaud elle était tourné vers l’extérieur de façon à procurer de la fraîcheur. La poésie ci-dessous est un adage sur ce sujet :

" L’homme ne voyage pas sans son manteau de laine,
car le vent ne passera pas à travers un tel manteau de laine. "

Au début du 16ème siècle, la dynastie des Safavides conquit l’Iran au nom d’un soi-disant soufisme, pratiquant en fait une politique anti-derviche, allant jusqu’à en massacrer un grand nombre. Les Safavides, dans le but de discréditer les derviches, envoyaient des hommes ayant l’apparence des derviches mais n’ayant en fait rien à voir avec le comportement des véritables derviches. Ces "pseudo" derviches sillonnaient les marchés et les rues, chantant des louanges à Ali afin de propager la religion Chiite. Mue par leur amour pour les derviches authentiques, le peuple iranien répondait favorablement à leur demande, allant jusqu’à leur venir en aide financièrement pour subvenir à leur besoin.

L’autorisation écrite de leur maîtres devait être tamponné par les maîtres de l’ordre Ahl-e Haqq (mot à mot "les adeptes de la vérité", ordre religieux mystique, descendants du Prophète), qui étaient de connivence avec les Safavides afin que personne d’externe ne puisse rentrer dans le groupe.

Ces soi-disant derviches commencèrent peu a peu à pratiquer la mendicité. Leur célibat posait néanmoins quelques problèmes, comme le cas de certains ‘‘derviches’’ aux mœurs douteuses prenant pour compagnons des jeunes hommes surnommés "petits saints" (petits Abdâl, qui concerne le nom de la hiérarchie des saints).

Cette pratique de la mendicité prit une proportion telle que certains parmi eux prirent l’habitude de camper face aux demeures des riches pour faire l’aumône. En cas de refus, ceux-ci s’exposaient aux vacarmes de leur trompette à corne et a leurs chants satiriques, et craignant pour leur réputation donnaient argent, nourriture et vêtements.

Les mots ‘‘soufi’’ et "soufisme" n’existaient pas dans la culture arabe. Tout ce qui a été dit sur l’étymologie du mot soufisme n’est que pure spéculation. En fait, les arabes appelaient "soufi" les derviches iraniens car ils étaient vêtus d’un manteau de laine (sûf en arabe signifie laine). Ainsi lorsqu’un maître iranien arrivait en Arabie saoudite ou en Irak, il n’était pas étonnant qu’on le questionne sur le soufisme puisque ces peuples ne connaissaient rien du soufisme

Puisqu’à notre époque le terme "derviche" a quasiment perdu sa véritable signification mystique et que le terme "soufi" est couramment utilisé dans la littérature occidentale, nous avons donc aussi choisi cette dénomination, même si sûf est un mot Arabe.

« Le soufi a compris le secret caché, grâce à l’éclat d’une goutte de vin,
tu peux découvrir l’essence de chacun dans ce rubis »

(Hafez)

Discours du maître Dr. Javad Nurbakhsh.
Traduit du magazine persan n°69

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