Le souvenir ou le rappel de Dieu

Dr Nurbakhsh

Dans la terminologie soufi, le mot ‘’dhekr’’ signifie souvenir de Dieu
et constitue la pierre angulaire de la pratique soufi. Dans son poème
qui en persan est composé de couplets rimés du même genre que ceux du
Mathnawî de Rûmi, Dr Nurbakhsh le Maître de l’ordre Nématollahi donne
des indications pour la compréhension du dhekr d’un point de vue soufi.



Le chanteur entonna un chant ravissant ;
Mon cœur tomba dans l’extase et l’ivresse.

Il fut ainsi amené à expliquer certaines choses,
Afin de fermer les boutiques des prétendants .
Il parle du mystère et de l’état du dhekr,
Afin que certains ne deviennent pas commerçants de dhekr

Ô soufi ! toi qui prétends te souvenir de Dieu,
Chacun de tes souffles est en fait dédié à une idole.

Tu te rappelles Dieu en étant inconscient de Lui ;
Tu parles de l’eau alors que tu te trouves sur le rivage.

Sous prétexte de te rappeler de Dieu tu t’adores toi même ;
Nuit et jour tu manifestes ta propre existence.

Ton souvenir de Dieu est tel que à chaque souffle,
tu es simplement et purement en train de penser à toi même.

Lorsque ton nafs t’enferme dans l’incrédulité,
Tu te tournes alors vers les prières et le dhekr,

Un dhekr qui accroît ton égoïsme ,
Et t’entraînes dans la sobriété loin de toute ivresse ;

Un dhekr qui t’éloignes de l’unité
Et fait de toi le laquais de ton nafs trompeur ;

Un dhekr où ta nature démoniaque plonge
dans le tourbillon de ton ego ;

Un dhekr qui provient du nafs et des désirs
A la poursuite de nourriture et de jouissances ;

Comme un voleur déguisé en garde
Ton dhekr libère les passions .

Quel est ce dhekr ? où toi tu existes encore,
Où tu n’es pas encore délivré de ton nafs !

Quel est ce dhekr ? où l’égoïsme est toujours présent,
Où le désir est le Bien-aimé et la passion est l’échanson !

Quel est ce dhekr qui accroît ton nafs,
Qui ne te libère pas mais qui t’emprisonne ?

—–

Le dhekr est l’affaire du cœur ;
Non celle de la chair.

Le dhekr est la conscience du cœur,
Et non l’adoration de soi qui est nul et non avenu.

Le dhekr est ce qui te coupe le souffle,
Et non ce qui émane du désir.

Le dhekr est ce qui brûle ton âme,
Et non ce qui enseigne le culte de l’adoration de soi.

Le dhekr est ce qui te rend ivre
Et te libère de toute pensée d’être.

Le dhekr est ce qui emporte ton être ;
Et remplis toute ton existence,

De telle sorte que rien ne reste de toi,
Et que tu sois incapable de discerner ta propre personne.

Le dhekr c’est lorsqu’il ne reste plus rien sauf le Rappelé ;
Quand le cœur oublie celui qui se rappelle et le rappel.

—–

Le dhekr existe lorsque tu n’existes plus ;
Comment peux tu exister là où Dieu subsiste ?

Le dhekr est ce qui t’arrache à toi même,
Ce qui t’amène de l’être au non-être.

Tu es dans le dhekr si tu t’es repenti de ton moi,
Si tu as tourné ton attention vers Dieu et si tu es absent de toi même.

Dhekr signifie délivrance de soi et,
Arrivée à la station de sécurité.

Le vrai dhekr t’amène à ne plus distinguer
entre les autres et toi même, entre le bien et le mal.

—–

Si ton dhekr est juste un nom composé de lettres,
Alors une cassette répètera le nom mieux que toi.

Une cassette sur laquelle est enregistré le nom de Dieu
peut tourner, nuit et jour sans hypocrisie.

Cependant même si cette cassette tournait en boucle pendant des années,
Elle n’atteindrait jamais la qualité d’un être humain.

Tu pratiques le dhekr mais tu es loin de son sens ;
Tu n’es rien de plus q’une cassette avec du respect pour les maîtres des Cœurs.

Le dhekr est un Nom qui cherche le Nommé ;
Le dhekr, c’est la forme cherchant le contenu.

Le Nom te mènera au Nommé ,
Il te mènera du royaume de la forme à celui du contenu.

C’est seulement par la voie de l’ivresse et en devenant rien
Que tu te libéreras de la forme pour atteindre le Nommé.

Pour nous le nom représente un Nom et un Attribut
Qui permet à ton cœur d’avancer dans la gnose.

Pour nous la simple prononciation ne représente que le mot ;
Et le mot seul n’a jamais ouvert la voie à personne.

Si le nom n’est rien d’autre qu’un mot dans ton dhekr,
Son résultat ne sera qu’illusion et déception.

Si tu réalises un des Noms de Dieu,
Tu quitteras le relatif pour devenir l’Absolu.

Cherche à ouvrir le trésor du Nommé avec la clé d’un Nom ;
Autrement tu ne seras jamais capable de rompre ce charme.

Si tu pratiques le dhekr et que tu continues d’exister,
Prends garde : tu es toujours un idolâtre.

—–

Crois moi tu ne fais qu’adorer des idoles
avec tes nombreuses prières et ton dhekr intérieur.

Tu es en train d’adorer des idoles au nom de Dieu ;
Tu bois du vinaigre et pour impressionner les gens tu fais semblant d’être ivre.

Extérieurement tu t’es lié à Dieu
Intérieurement tu es attaché à ton nafs

Tu as ainsi inversé l’ordre des choses
Car tu affirmes ta personne en niant Dieu

Tu prétends avoir des visions et des pouvoirs,
Mais en vérité ton nafs t’a complètement pollué.

Tu satisfais les passions avec des fantaisies
Mais ce ne sont là que des contes et des évènements du passé.

Ne réduit pas le vrai Amour à l’amour charnel ;
Ne t’amuses pas avec la légende du lion.

Extérieurement tu prétends être Bayazid ;
mais intérieurement tu es entre les griffes du nafs vicieux.

Extérieurement tu es devenu un maître libéré de toute passion ;
Mais intérieurement tu es aussi agité qu’une puce.

Ton intention n’est pas d’initier d’autres personnes dans le dhekr,
Mais plutôt de leur transmettre ton nafs.

Tous les gens ordinaires suivent le désir ;
la louange qu’ils t’adressent est teintée d’hypocrisie.

Les oiseaux de ton plumage volent vers toi
et se jettent à tes pieds avec des cris plein d’humilité

Ils ont trouvé un nafs de Pharaon auquel ils peuvent s’identifier ;
Ils découvrent en toi la manifestation de leur être intérieur.

Et en raison de tout ceci ton nafs se réjouit
Joyeux d’être la cause du piétinement de la vérité.

—–

Tu n’es pas digne du dhekr,
Ne le prends pas à la légère ;
Dieu honore seulement ceux qui
sont engagés sincèrement dans sa pratique.

Tu t’adores, qu’as tu donc à faire avec Dieu ?
Tu es infidèle ; comment peux tu te soucier de la pureté ?

Si tu n’es pas désintéressé, tu ne peux pas pratiquer le dhekr,
Car celui qui murmure simplement le dhekr ne peut devenir soufi.

Le cœur de celui qui est guidé par le désir ne peut s’engager dans le dhekr,
La prononciation du dhekr ne fait qu’augmenter son hypocrisie.

Si tu pratiques le dhekr, oublie-toi ;
Avec le dhekr tu dois te dépouiller du moi.

—–

Si tu es prêt à pratiquer le dhekr
Et à te vider de toute conscience de soi,

Alors va et repens toi du péché de ton existence ;
Et comme un ivrogne, déracine l’existence et la non-existence .

Avec la lame du dénuement tranche la tête de ta fausse timidité ;
Cramponne toi à la tunique de celui qui peut t’apporter le remède,

Afin qu’il puisse tourner la face de l’Amour-Bonté vers toi
Et t’offrir la cruche du vin de la non-existence,

Afin qu’il puisse te donner une place dans le refuge du dhekr,
Et que son souffle qui donne La Lumière puisse t’apporter la pureté.

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