Il la vit pour la première fois ce qui ne devait arriver que deux fois dans sa vie se détachant d’une brume matinale assise sur un carrosse ouvert tiré par un attelage un peu comme une vision de beauté céleste : venant d’un autre monde, pure et sacrée. Pour la posséder entièrement, corps et esprit pour se vouer pleinement à remplir ses moindres désirs, devint en cet instant l’unique obsession de sa vie, un prix pour lequel il aurait volontiers échangé toute sa richesse, ses possessions et son pouvoir, sa véritable essence. Si pour juste un instant, un seul précieux instant, il pouvait la posséder, devenir un avec elle…si seulement…
Ça avait commencé un dimanche matin. Comme d‘habitude, il avait été dehors la nuit précédente buvant et draguant dans sa brasserie préférée jusqu’au petit matin, s’abandonnant à ses passions et poursuivant ses plaisirs, se fichant délibérément de toute modération. C’était une nuit comme tant d’autres avant, une nuit qui le laissait comme toujours dissipé et insatisfait, incapable de mettre une fin à sa poursuite futile de paix intérieure et de contentement, il savait pourtant par son expérience passée que seules la déception et la dépression le tenaillerait pour finir.
Perdu dans ce sentiment, il errait dans les rues vides, ne voulant pas retourner à son appartement où seul un vide plus grand l’attendait. C’était juste quand il traversait la rue, alors qu’il était sur le point de céder et de revenir à la maison, que leurs chemins s’étaient croisés et qu’il entrevit sa beauté renversante.
Bien qu’ils n’avaient pas même échangés un simple mot, il ne pouvait pas l’enlever de sa tête. Pendant les semaines qui suivaient, il chercha en vain à trouver qui se pouvait être et où elle pouvait vivre. Mais personne ne semblait la connaître ou savoir quoi que ce soit d’elle. Il commençait à croire qu’il avait imaginer toute l’histoire. Et puis, juste quand il allait abandonner ses recherches, leurs chemins se sont croisés de nouveau une seconde et dernière fois. Il s’était rendu dans un cimetière à l’extérieur de la ville pour se lamenter sur son égarement et se perdre parmi les morts,
car il se sentait comme eux. Et soudainement elle était là dans son carrosse, fixant l’espace, ainsi que font les morts eux-mêmes. Pris d’excitation, il s’approcha du carrosse. Sentant as présence, elle se tourna pour lui faire face. Comme il s’arrêta sur ses yeux violets, toutes les émotions contenues des semaines passées éclatèrent dans une confession passionnée de son amour pour elle.
Elle écouta impassible sa déclaration, ne disant pas un mot et attendant qu’il ait fini. Puis elle se teint debout dans le carrosse jusqu’à être directement au-dessus de lui. « c’est çà ce que vous voulez ? Ce que vous avez rêvé de posséder ? »
sur ces mots, elle déchira sa veste et sa blouse couleur d’encre, révélant ses seins nus, d’un blanc laiteux. Sauf que ces seins étaient couverts de lésions sanglantes, d’abcès suintants et d’affreuses croissantes tumorales qui avaient décomposés sa chair.
« Voyez ce qu’est la fin de tous les êtres, la conclusion de toute chose dans le monde. Est-ce ce que vous désirez étreindre, posséder ? une seule chose dans tout cet univers ne dépérit pas, et c’est la Face de Dieu, le Tout-Puissant. Etreignez-Le, et non ce monde. Si vous souhaitez connaître l’Amour véritable, alors perdez-vous en Lui. »
Magazine Sufi, numéro 47, p.50