L’envieux

Un homme en pèlerinage pour la Mecque, après avoir suivi une mauvaise piste, se retrouva perdu dans le désert. Pendant des jours, il erra incapable de trouver sa route jusqu’au moment où sa réserve d’eau s’assécha.
Assoiffé, il était sur le point d’abandonner tout espoir d’être sauvé, quand il aperçu au loin une tente solitaire, petite et loqueteuse. Utilisant ses dernières réserves de force, l’homme réussit à atteindre la tente. Là, une femme Bédouin le salua et, voyant sa condition, l’emmena dans la tente où elle lui donna une gourde en peau de chèvre remplie d’eau, l’eau dont il avait désespérément besoin.

Aussi grand qu’était son besoin, pourtant, l’homme pouvait à peine boire l’eau. Plutôt que le liquide doux et rafraîchissant auquel il s’attendait, l’eau avait un goût rassis et saumâtre qui mettait le feu à sa gorge, autant qu’elle lui sauvait la vie. Tout de même, il était reconnaissant pour la générosité de la femme qui partageait le peu qu’elle possédait.

Une fois qu’il eut retrouvé sa force, l’homme décida de rendre la gentillesse et la générosité de la femme en lui offrant quelques conseils.
“Je vous dois des dettes, pour le soulagement que vous m’avez procuré. Mon cœur est bouleversé par la compassion. Ecoutez soigneusement ce que j’ai à vous dire. Regardez”, dit l’homme faisant des gestes avec sa main.
“Dans cette direction s’étend une cité magnifique appelée Bagdad, remplie de merveilles au-delà de votre imagination. Là tu trouveras plein d’eau, claire et fraîche, de l’eau douce sans une trace de sel ou d’impuretés. Et de la nourriture délicieuse de toutes sortes, et puis des bains, des parfums, des bazars remplis de choses luxueuses et riches de plaisirs, aussi bien qu’une centaine d’autres merveilles. Même si toi et ta famille vous êtes profondément affligés, néanmoins, en bougeant dans cette direction lentement de campement en campement , avec patience vous pourrez atteindre ce but.”
La femme restait bouche bée à écouter l’histoire de l’homme mais ne dit rien. Peu après son mari était de retour au campement, portant des rats du désert qu’il avait piégé pour le dîner. Après avoir salué leur invité, le Bédouin l’invita pour dîner avec eux. L’homme fut rebuté à l’idée de manger une nourriture si repoussante mais était tant affamé qu’il accepta l’invitation. Après le repas, le Bédouin lui donna une couverture, et l’homme quitta la tente pour dormir dehors.
” Tu aurais du entendre les choses incroyables que m’a racontées notre invité alors que tu étais dehors à chasser “, la femme dit à son mari une fois qu’ils étaient seuls.
” Comme quoi ? ” il lui demanda.
Et alors la femme répéta toutes les choses que l’homme lui avait raconté sur la cité magnifique appelée Bagdad et comment ils pouvaient s’y rendre s’ils y mettaient leurs cœurs.
” N’écoutes pas de telles paroles “, lui répondit son mari, hochant tristement la tête, après avoir écouté son histoire. ” Il y a beaucoup d’envieux, de gens mesquins dans ce monde. Dès qu’ils rencontrent quelqu’un vivant dans la grâce du confort et de l’abondance, ils brûlent d’envie de voir cette personne se mettre en route pour quelque chose de meilleur de sorte qu’elle se retrouve privée de son bon sort. Ne fais pas attention à ces fabulations ! Qu’est ce qui pourrait être meilleur que notre vie ici ?

O lecteur, bien que regarder en face la vérité puisse être déplaisant à prime abord, plus tu avance vers elle, plus elle devient douce; alors que les formes extérieures de ce monde peuvent apparaître attrayantes à première vue elles se révèlent rapidement de plus en plus vides.

Histoire adaptée du livre de Rûmi Fihi ma Fihi (A l’intérieur de l’intérieur)

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